Inattention et/ou hyperactivité : aménager la scolarité

Comment expliquer le retentissement du Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité ou TDAh à un enseignant ? Que faire pour limiter l’inattention et faciliter les apprentissages d’un élève présentant un TDAh ? Quels aménagements proposés ? 

Histoire de tenter de donner quelques pistes de réponses à ces vastes questions, j’ai décidé de créer cet article à partir des dernières recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) sur le Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) que je vous invite à retrouver ici. Le texte est d’ailleurs en bonne partie directement extrait de ce document (oui, il s’agit en bonne partie d’un plagiat !).

Ces pistes s’appliquent plus particulièrement aux primaires et collégiens mais peuvent inspirer ce qui peut se faire pour les lycéens et étudiants. 

ENFIN : n’hésitez-pas à ajouter vos propres suggestions dans les commentaires ! 

Le retentissement scolaire du Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité

Une enquête française a été menée en 2011 par l’association HyperSuper France auprès de 524 familles  adhérentes  (auto-questionnaire)  à  l’association,  afin  de  faire  un  état  des  lieux  des difficultés rencontrées par ces familles et leurs enfants TDAH d’âge scolaire. En ce qui concerne le retentissement scolaire, les enfants concernés par l’enquête rencontrent d’importantes difficultés scolaires. Ainsi, le taux de redoublement s’élève à 31%, et parmi les enfants de l’enquête, 20% ont fait l’objet d’au moins une procédure d’exclusion scolaire. Le nombre de changements  d’établissements  scolaires  a  aussi  été  étudié:  il  était  de  10% en maternelle, de 22% en primaire et de 16% au collège (dans plus de la moitié des cas, le motif était lié à des troubles du comportement). Au lycée, il s’élevait à 6% et était plutôt lié à un changement d’orientation.

Dans  le  milieu  scolaire,  les  enseignants,  en  l’absence  d’information  sur  le  diagnostic,  peuvent développer   des   attitudes   dévalorisante   vis-à-vis   des   enfants   avec   TDAH,   pouvant   gêner l’expression de leurs compétences.

Inattention  et défaut de maintien attentionnel dans  le  temps

L’enfant est lent dans l’exécution de la tâche et ne parvient pas à finir seul les activités engagées. Les performances se détériorent rapidement en fonction du temps au cours d’une même tâche (dégradation du graphisme ou augmentation du nombre d’erreurs par  exemple).  Les  oublis  sont très fréquents (matériel, consignes, devoirs, règles d’accord).Le démarrage d’une activité est très lent, voire impossible, seul. Au cours de la réalisation d’une tâche, l’enfant décroche et paraît ailleurs. On note des fluctuations de l’attention, qui peuvent être à l’origine de variations de performances selon les moments de la journée, alors que l’enfant possède les compétences requises.

Problème pour répartir simultanément son attention sur deux tâches 

L’enfant a du mal à faire deux choses en même temps (par exemple: écrire et écouter, suivre et intervenir de façon adaptée dans une conversation). Le passage d’une activité à une autre ne se fait pas à la vitesse requise ou attendue.

Distractibilité comme moteur d’inattention

L’enfant  est  très  facilement  distrait.  Les  stimulations  environnementales  (bruits,  conversations, lumière, images, mouvements) parasitent la réalisation de la tâche. Lorsqu’il  est  confronté  à  une  situation élaborée  (film,  texte,  leçon,  conversation,  carte  de géographie), l’enfant aura tendance à percevoir une collection d’éléments indépendants les uns des autres, plutôt qu’une seule information globale.

La distractibilité est aussi endogène : le jeune est parasité par ses propres idées.

Manque d’organisation et impulsivité

L’enfant parvient difficilement à planifier les différentes étapes de son action ou de sa réflexion. Il présente des difficultés d’organisation matérielle (cartable, présentation des cahiers). L’enfant peut être impulsif, se précipite pour effectuer une tâche ou répondre à une question (ne lève pas le doigt pour parler, répond avant la fin de la question). L’enfant ne peut pas s’empêcher de saisir et d’utiliser des objets placés à sa portée (touche à tout). L’enfant a du mal à rester en place. L’enfant  a  une  incapacité  à  fonctionner  par  étapes  (et  à  accomplir  un  travail  séquentiel)  et  a tendance à sauter directement aux conclusions. Il a donc des difficultés pour les tâches s’appuyant sur ou nécessitant la mise en place d’un raisonnement. L’enfant  ne  finit  pas  ses  devoirs,  oublie  des  questions  ou saute  à  pieds  joints  une  étape  de démonstration ou perd des indices dans l’énoncé du problème. Ne pas oublier que le trouble d’attention n’est, le plus souvent, pas isolé, et que les bilans qui  ont  été  réalisés  ont  pu  mettre  en  évidence  les  autres  difficultés de l’enfant. Le déficit attentionnel  vient  majorer  toute  autre  difficulté  associée  en  rendant  inopérantes pour l’enfant les possibilités d’adaptation ou de gestion individuelle.

Impact de l’inattention sur les apprentissages

Les  enfants  TDAH  ont  souvent  des  difficultés  sur  le  plan  scolaire:  outre le manque d’attention, 30%  à  50%  d’entre  eux présentent  des  troubles  d’apprentissage  associés. 

Lecture et Écriture

L’enfant va souvent avoir tendance à lire trop vite, entraînant des confusions de lettres, des oublis, des ajouts ou modifications de mots ou des sauts de lignes, il peut relire les mêmes mots ou lignes. Il peut en découler des difficultés de compréhension du texte lu, alors que les mécanismes de la lecture sont en fait en place. Certains enfants vont cependant avoir un trouble spécifique de lecture (dyslexie) associé au trouble de l’attention, et nécessitant une prise en charge en psychomotricité et une rééducation orthophonique.

L’écriture peut être touchée à plusieurs titres. D’une part, les troubles de l’attention peuvent entraîner des fautes lors de la recopie de textes ou d’énoncés, avec ajouts ou oublis. Les règles d’orthographe peuvent être mal mémorisées ou difficiles à appliquer. Enfin, l’écriture représente une aptitude de motricité fine, avec un contrôle visuel permanent, et un compromis entre la vitesse d’écriture et la qualité de calligraphie. Les enfants ont fréquemment des troubles associés dans les coordinations fines, pouvant se traduire par une dysgraphie.

Calcul et mathématiques

Certains enfants vont avoir des difficultés pour passer du concret à l’abstrait, à utiliser un raisonnement logique ou alors pourront se tromper dans une lecture trop rapide de l’énoncé. Il peut également se produire des difficultés l’automatisation des calculs, de mémorisation des tables de multiplication.

Langage et mémoire

L’enfant a souvent une pensée allant plus vite que son discours, ce qui peut nuire à son intelligibilité. Leur impulsivité peut se traduire par une prise de parole intempestive, coupant la parole aux autres, répondant avant la fin de la question, intervenant dans des conversations qui ne les concernent pas. Ils peuvent parler sans cesse, et sans rapport avec la tâche qu’ils sont censés exécuter, se laissant distraire par leur propre discours. Leur difficulté d’organisation et de réflexion peur donner l’impression d’un propos manquant de sens. Ils peuvent en outre avoir des difficultés pour percevoir les réactions de leurs interlocuteurs, ne parvenant pas à moduler leur comportement en conséquence.

La mémorisation suppose de pouvoir, entre autres, sélectionner les stimuli correspondant aux informations à stocker, et à inhiber les distracteurs, ce qui peut être difficile chez l’enfant. La difficulté de l’enfant à maîtriser une double tâche (écrire et écouter) peut compliquer encore la mémorisation. Les consignes longues, les doubles consignes, les phrases enchâssées sont autant de difficultés pour l’enfant, car nécessitant des compétences souvent déficitaires pour eux.

Retentissements psychologiques et sociaux

Il apparaît que l’estime de soi est fréquemment altérée chez les patients ayant un TDAH et  que  ceci  doit  être  pris en  compte  dans  la  prise  en  charge.  L’enfant a  besoin  d’une  relation bienveillante  de  ses  parents,  comme  de  ses  enseignants,  à  travers  une  approche  positive  et  en s’appuyant sur les compétences existantes de l’enfant.

Les  difficultés  relationnelles  sont  aussi  fréquentes avec ses pairs dans le cadre scolaire, l’enfant avec  TDAH  étant  fréquemment  rejeté.  En  effet,  il  a  du  mal  à  se  conformer  aux  règles  de  jeu  et, confronté  à  ses  limites,  il  devient  facilement  agressif. 

Les qualités des enfants avec Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité

 Ils sont souvent plus talentueux et plus doués que ce qu’ils peuvent laisser paraître. Ils sont pleins de créativité, de spontanéité, d’enthousiasme. Ils ont du ressort, sont débrouillards, sont curieux, reviennent toujours à la charge. Ils sont enclins à une générosité d’esprit, sont heureux d’aider, ont souvent un grand sens de l’humour. Se heurtant aux difficultés, aux reproches, au regard péjoratif des adultes, ils peuvent se retrouver dans  une  spirale de  dévalorisation,  à  partir  des  difficultés  scolaires  au  quotidien,  avec  perte d’estime  de  soi,  découragement,  anxiété.  Peuvent  en  découler  des  difficultés  familiales  ou scolaires, puis dans les relations avec les autres. Chaque niveau de difficulté de l’enfant doit être pris en compte, relié à son origine, expliqué à l’enfant et aux enseignants, afin de rompre des cercles vicieux d’échec scolaire et de dévalorisation.

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Mesures d’aide et d’accompagnement scolaire pour les élèves avec Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité

Les  élèves  malades  ou  en  situation  de  handicap  sont  de  plus  ou  plus  souvent  et  couramment scolarisés en milieu ordinaire. Le  droit  à  l’éducation  pour  tous  les  enfants, quelle  que  soit  leur  situation,  y  compris  s’ils  sont malades ou porteurs de handicap comprend :

  • Le droit à la scolarisation en milieu ordinaire, au plus près du domicile de l’enfant chaque fois que cela est possible;
  • Le droit à un parcours de scolarisation continu et adapté;
  • L’association des parents aux décisions d’orientation de leur enfant et à la définition de leur projet personnalisé  de  scolarisation,  notamment  lorsque  leur  enfant  présente  des  besoins éducatifs particuliers.

Il s’agit là de droits fondamentaux, repris dans l’un des textes fondateurs du droit français : la Loi n°2005-102  du  11  février  2005  pour  l’égalité  des  droits  et  des  chances,  la  participation  et  la citoyenneté des personnes handicapées.

Ces textes prévoient que soit prise en compte la situation individuelle de l’enfant de manière à lui proposer une pédagogie différenciée, laquelle a pour but de favoriser l’adaptation et l’inclusion de l’enfant  en  milieu  scolaire.  Ils  permettent  un  aménagement  de  la  scolarité  pour répondre  aux besoins de soins, ou aux besoins de compensation en cas de handicap reconnu. Plusieurs  dispositifs  envisagés  par les  textes  qui  règlementent  «  la  scolarisation  des  élèves  à besoins éducatifs particuliers » existent; leur choix dépend de la situation de l’enfant:

  • PPRE : lorsqu’il est question de difficultés scolaires transitoires;
  • PAI : au bénéfice de l’enfant souffrant d’un trouble durable de la santé ou lorsque l’enfant doit prendre des médicaments au sein de l’établissement scolaire;
  • PAP : pour les élèves avec troubles impactant les apprentissages sans reconnaissance d’un handicap
  • PPS : dès lors que l’enfant est titulaire d’une reconnaissance de handicap.

Pour plus d’informations sur ces dispositifs, je vous invite à cliquez par .

Aménagements scolaires : que faire ?

L’objectif de base est que l’enfant puisse accéder aux connaissances en classe, sans être confronté en permanence à ses difficultés d’attention.

Trois mots clés pour organiser le travail en classe au quotidien :

  • Brièveté: raccourcir les sessions de travail, le temps des apprentissages ou des activités.
  • Variété: supprimer toutes les tâches potentiellement répétitives, varier les présentations.
  • Structure: mettre en place des routines stables, affichées, repérables visuellement par l’enfant.

Limiter l’inattention

Pour faciliter l’attention, on peut :

  • capturer le regard de l’élève
  • changer le ton de sa voix
  • utiliser des consignes courtes et éviter d’en donner plus d’une à la fois
  • utiliser un support visuel (consignes écrites au tableau) et encourager les élèves à visualiser dans leur tête la tâche demandée;
  • donner des exemples de ce qu’on attend.
  • placer l’enfant dans un endroit éloigné de la porte et des fenêtres qui peuvent être une source de distraction (éviter les dispositions en U, préférer les dispositions classiques où tous les enfants sont face au tableau);
  • réduire le bruit ambiant (donner à l’enfant des écouteurs de baladeur pour assourdir le bruit par exemple);
  • placer des élèves calmes, et pouvant servir de modèles, près de l’enfant;
  • utiliser le tutorat. Un élève peut aider un autre élève à répéter la consigne et revenir sur la tâche
  • diviser les grandes tâches en petites parties.

Contenir l’agitation psychomotrice

L’enfant présentant un comportement hyperactif peut, selon son âge, avoir beaucoup de difficultés à rester assis sans bouger. Il faut tenir compte de cette particularité en lui permettant d’avoir des moments « d’agitation contrôlée » réguliers. Grâce à ces moments, la tension due au contrôle de l’agitation sera moins importante et les débordements pourront être en partie évités.

On peut par exemple :

  • prévoir des moments où le jeune peut bouger dans déranger (distribuer des cahiers…);
  • demander à l’élève de venir présenter à l’enseignant chaque partie terminée et la souligner ce qui peut permettre d’augmenter la motivation de l’enfant;
  • délimiter, à l’aide d’un ruban gommé, un espace autour du pupitre auquel l’élève a droit, mais qu’il ne peut pas dépasser;
  • éviter les retraits de récréation car les enfants en ont besoin pour se dépenser;
  • alterner les apprentissages actifs pendant lesquels l’enfant peut bouger et plus passifs où l’enfant doit rester assis;
  • à la demande de l’enfant, lui permettre de travailler debout dans un endroit de la classe quand c’est possible.

Pour limiter l’impulsivité

Les enfants impulsifs ont du mal à s’autocontrôler, du fait d’un sous-développement de la fonction exécutive sous tendant cette capacité. Ils auront ainsi des difficultés à avoir un délai de réponse. En classe, ces enfants auront ainsi tendance à répondre trop vite, sans réfléchir, parfois sans avoir levé le doigt. Il est ainsi préférable de prévoir les situations à l’avance afin d’éviter les surprises qui peuvent générer cette impulsivité.

On peut alors :

  • aider le jeune à développer l’habileté de s’arrêter et de réfléchir devant une situation problématique, en rappelant par exemple à l’enfant une conséquence désagréable du non-respect de cette règle imposée antérieurement.
  • du fait de l’impulsivité et de l’inattention, l’enfant commet plus d’erreurs d’étourderie : lui apprendre à relire son travail systématiquement;
  • travailler le langage intérieur, la capacité à se parler à soi-même et se donner les consignes. On peut permettre à l’enfant de parler à voix basse afin d’énoncer le problème.
  • placer sur son bureau un pictogramme représentant les règles importantes;
  • ignorer le commentaire si le jeune l’a formulé sans avoir levé la main;
  • donner l’attention rapidement quand l’élève impulsif lève la main afin de l’encourager à le faire.

Conseils d’intervention généraux

Voici des conseils généraux d’intervention, dont les principes sont tirés des thérapies cognitivo-comportementales, et qui peuvent être utilisés pour modifier le comportement de ces enfants.

  • L’enfant agité et distrait reçoit beaucoup plus de rappels négatifs que d’encouragements. Essayer d’inverser ce phénomène en donnant des encouragements fréquents. Ces enfants ont la particularité d’être extrêmement sensibles aux renforcements positifs
  • Ignorer les comportements inadéquats de l’enfant, qui ont souvent pour but d’attirer l’attention. Y faire attention renforce ces derniers.
  • Formuler les règles de fonctionnement du groupe de façon claire et visuelle. Un des outils qui fonctionne bien pour l’enfant est l’utilisation de grilles de comportement qui permet au jeune d’être récompensé pour ses améliorations. Attention car ce système demande une observation constante et fréquente.
  • En classe ces enfants auront du mal à se repérer dans la journée ou estimer le temps passé à une activité. Illustrer les routines du matin et du soir, ainsi que les débuts et les fins de périodes et les rendre constantes. Ils pourront aussi avoir des difficultés à passer d’une activité à l’autre (transitions) ce qui peut souvent générer des troubles du comportement. Prévenir 5 minutes avant que l’activité va être interrompue.
  • Du fait de leur pathologie, les enfants ont la perception que le temps est « interminable ». Avec l’utilisation d’une horloge, planifier la longueur des différentes séquences prévues pour la matinée.
  • Ces enfants ont des difficultés à gérer leurs émotions. Devant les débordements, utiliser des temps d’arrêts «stop» pour éviter les escalades négatives. On envoie si besoin l’élève dans un endroit relativement isolé, afin qu’il retrouve son calme. Prévoir une marche à suivre quand l’élève sent monter la colère. Inciter l’enfant à se retirer volontairement dans un coin, où il pourra reprendre son calme.
  • Valoriser ses points forts afin de contourner ses difficultés: un enfant se construit sur ses points forts, pas ses points faibles …
  • Entretenir des liens et une approche coordonnée entre l’école, les thérapeutes, la famille et l’enfant pour établir un climat de cohérence autour de lui.
  • Lutter contre les idées reçues: «Il est paresseux et ne fait aucun effort.» La difficulté est pour l’enfant tellement importante, permanente tout au long des journées d’école, les expériences négatives sont si nombreuses, qu’il est difficile pour lui de s’y confronter tous les jours.